Après un premier succès dans les salles avec Silentium ! (Grand prix du festival du film policier de Cognac 2006), l’autrichien Wolfgang Murnberger nous revient avec un second film : Der Knochenmann. L’histoire ? Celle d’un concessionnaire viennois qui engage un autre homme afin de retrouver les propriétaires de ses véhicules impayés. Un film que son réalisateur situe entre le polar noir et la comédie et dans lequel se succèdent alternativement la peur, l’humour et le suspense. Quelque chose de frais et de vivace au pays de Michael Haneke (Caché, La pianiste…) !
Cependant la France a bien mal accueilli ce petit bijou par une promotion en décalage avec l’esprit original du film. Pour le démontrer, rien de plus simple que de comparer ses deux bandes annonces avec, dans un premier temps, l’originale (dédiée à l’exploitation dans les salles germaniques) :
Humour noir subtile, grinçant et froid semble ici transparaître. Le film se montre sombre et novateur à la fois. Quant à la bande-annonce française :
Première surprise : Der Knochenmann devient « Bienvenue à Cadavre les bains ». Une traduction plus fidèle aurait été apprécié quant à une certaine fidélité à l’esprit original du film (littéralement, Der Knochenmann est L’homme aux os). Il faut dire que depuis le succès de « Bienvenue chez les ch’tis », les distributeurs français ont tenté d’effectuer tout ce qui était en leur pouvoir afin de s’enrichir de ce triomphe. A commencer par la copie de son titre. Ainsi le britannique The Cottage (autre petit bijou d’humour noir – Paul Andrew Williams) est devenu Bienvenue au Cottage ou Zombieland s’est transformé en Bienvenue à Zombieland, etc etc… Comme si le succès d’un film résidait uniquement dans son titre.
Deuxième surprise : le ton de la bande annonce. Ce qui était intriguant et bourré d’humour noir devient une vulgaire farce potache. L’insertion de bruitages humoristiques, de titrages à l’esthétique loufoque (on peut aussi se reporter à l’affiche française du film) vont aussi dans ce sens. D’anodines différences qui parviennent pourtant à défigurer l’allure originale du métrage. On ne s’apitoiera pas, une fois de plus, sur les tendances manipulatrices de la bande annonce (les conséquences), que tout le Monde connaît, mais plutôt sur les volontés du distributeur étranger (la cause), ce qui paraît plus intéressant d’autant que Der Knochenmann, n’es pas un cas isolé. Sur ce, deux hypothèses.

Hypothèse 1 : celle qu’on aimerait voir triompher, celle dont le chef d’accusation serait le plus défendable : l’adaptation culturelle. Bien entendu, en fonction des contextes historiques, politiques, sociaux voire religieux d’un pays, la réception d’un même film varie irrémédiablement. L’Inde a hué Slumdog Millionaire quand le reste du Monde l’a applaudi. Le Da Vinci Code a été rejeté par le Vatican et les pays Sud-européen hyper cathos (Espagne, Portugal, Italie…) et Harry Potter est en passe de devenir l’incarnation du Diable en Ouzbékistan (ailles vérifier qui en doute*). Les Autrichiens possèdent une élite intellectuelle bien plus vaste que la notre. Leurs productions cinématographiques sont bien différentes ce qui explique une meilleure appréciation de l’humour noir, qu’on connaît subtil. En France, la comédie et l’humour en général tournent plus à la blague potache redondante, aux quiproquos prévisibles et aux gags burlesques. (Jean-Marie Poiré et Francis Weber ne viendront pas affirmer l’inverse). C’est donc peut être sous ce motif que la bande-annonce s’est adapté à l’imbécile public hexagonal… du moins, c’est ce qu’à pu croire le distributeur.

Hypothèse 2 : malheureusement la plus probable : l’argument financier. Evidemment. Quitte à piéger le spectateur (qui sera surpris durant la projection), le distributeur croit pouvoir se permettre n’importe quoi : changement de titre, transformation de l’affiche, remplacement de la musique, modification du montage, doublage bidon… afin de vendre son film. Ce qui était autrefois un Art est devenu une industrie, une machine à fric. Le long-métrage est devenu un « produit » comme un autre. La comédie fait vendre. Faisons passer Der Knochenmann pour une comédie hilarante. C’est aussi simple que ça.
La méfiance est donc de rigueur. Ne nous faisons pas avoir par les diverses méthodes d’opportunistes financiers, prêts à tout pour nous vendre leurs films. Allons donc voir Der Knochenmann de l’autre côté de la frontière (pour les bilingues) ou en VOST pour les autres. C’est encore le seul moyen de pouvoir apprécier les films dans leur version initiale, celle que l’Auteur a voulu nous laisser…
Site officiel : www.derknochenmann.at
(*) : tout être naîf
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