Sortie le : 26 août 2009
Réalisateur : Jacques Audiard
Site officiel: www.un-prophete-lefilm.com
Crâne rasé, visage amaigri, marmonnant quelques mots, Malik entre en prison comme une brebis au milieu des loups. Agressions, trafics en tout genre, vols, suicides, meurtres, corruption, prostitution… s’exposent alors à lui avec nul autre choix que la confrontation. Lorsque César, parrain corse, l’oblige à assassiner un co-détenu ennemi, Malik ne réfléchit pas… et s’exécute.
Les films de Jacques Audiard sont finalement tous similaires dans leurs fonds. Malgré des variations de ton et une diversité formelle – il suffit de comparer l’esthétique d’ Un héros très discret et celle d’Un prophète pour le comprendre – le sens et les thématiques abordés dans chaque film restent les mêmes. Un personnage ordinaire est confronté à des événements hors de son commun à travers lesquels il doit se surpasser, y dégager toutes ses capacités, sans vraiment en avoir le choix. Et devenir quelqu’un d’autre. Ainsi, Emmanuel Devos passe de modeste secrétaire à truande dans Sur mes lèvres (2001), Mathieu Kassovitz de vendeur de sous vêtement à lieutenant-colonel de l’armée française dans Un héros très discret (1996) etc etc… De prisonnier « ordinaire », quasiment transparent et sans ambition, Malik va se transformer en véritable caïd (ce n’est pas trahir l’intrigue du film de révéler cette évolution).
L’univers carcéral est un environnement dangereux, fait de contraintes et pourvu d’une population hostile à toute autorité. Un univers séducteur, malgré lui, à Jacques Audiard qui y a vu un cadre complexe pour l’évolution de son personnage. L’abondance de cadrages serrés et de plans subjectifs nous transportent dans ce milieu de manière quasi claustrophobique. Nous sommes à notre tour prisonniers des bons vouloirs de Jacques Audiard. Ce dernier nous transporte dans un monde –a priori – inconnu mais ne va pas pour autant en forcer les traits afin de le juger. Le film est critique quant aux conditions de détention de nos prisonniers, oui. Mais il ne s’agit pas du propos principal du film, comme beaucoup ont pu le dire.
Audiard s’attache davantage à la description et au fonctionnement d’une micro société. Les prouesses sont donc particulièrement remarquables quant à la direction d’acteurs, et à la conduite des personnages. Tahar Rahim porte le film. Niels Arestrup l’accompagne dans un rôle qui ne lui ressemble pas, mais dans lequel il brille. Parrain corse, il gère un certain nombre de casinos depuis sa cellule. Autour de lui, une dizaine d’hommes de main. Le film traite donc aussi – outre la manipulation et le destin – du pouvoir et de ses mutations. La montée en puissance d’un homme. La descente aux enfers d’un autre. Il s’agit d’un de ces films portrait, comme on aime en voir, qui dépeignent le parcours de personnages singuliers par le biais de hauts et de bas : Barry Lyndon, There Will Be Blood, Mesrine (dont le scénariste est commun au Prophète)…
Loin d’un Scarface ou d’un Casino, le film n’use pas de séquences d’actions improbables ou de personnages factices et parvient davantage à nous bouleverser et nous déboussoler. Audiard s’est dirigé vers le réalisme afin de percuter davantage. Le résultat est là : on y croit, on y est. L’intensité et la tension présentes dans quelques séquences sont parfois insupportables (scène de l’assassinat, celle de l’attaque). Seul reproche qui pourrait être fait au film : son étoffe, qui aurait pu être davantage agrémenté de bouleversements et d’inattendus. Mais le film aurait dans doute légèrement perdu en crédibilité…
Note :
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