Nombreux films disparaissent dans les entrailles de sociétés d’archives ou chez d’égoïstes collectionneurs avisés sans pouvoir bénéficier d’édition ou de diffusion publique. L’Enfer est une pépite qui a échappé de peu à ce triste destin.
A l’origine, un projet étrange et mystérieux, celui d’Henri Georges Clouzot, celui d’un réalisateur ambitieux et avant-gardiste. Récompensé par la Palme d’Or en 1953 pour Le salaire de la peur, le réalisateur s’y affirmait dans un style classique, correspondant aux codes traditionnels. Le corbeau (1943) ou Les diaboliques (1953) sont de la même veine. L’enfer devait rompre avec cette filmographie en y apportant l’extravagance et la libération du réalisateur. Une libération soutenue par les finances de l’américaine Columbia, qui avait promis à Clouzot un budget illimité dans la réalisation de son projet fou.
En été 1964, le tournage du film débute. Il relate l’histoire d’un aubergiste, Serge Reggiani, et de son épouse, Romy Schneider. L’homme est peu à peu épris de jalousie pour sa femme et l’espionne, la harcèle… jusqu’à atteindre les limites de l’acceptable. Cette jalousie, qui tourne rapidement à la folie est filmée en caméra subjective, d’où le caractère insolite du projet. Énigmatique pour tous, la sortie de l’oeuvre est très attendue. Dès lors, l’annonce de l’arrêt brutal et définitif du tournage, après seulement trois semaines de production, bouleverse toutes attentes.
Explication ? Mal préparé à cette aventure cinématographique, Clouzot s’est peu à peu perdu dans son projet. Allié à cette perte, son état de santé déviant, qu’un infarctus arrêtera. L’enfer d’Henri Georges Clouzot est en fait l’histoire de ce naufrage. Serge Bromberg (directeur du festival d’Annecy) utilise pour ce faire des interviews de techniciens présents sur le projet, dont les propos très variés se rejoignent dans la description d’un tournage étrange et mystique. Mais aussi des images du tournage dans lesquelles on peut voir Romy Schneider être dirigé de manière emportée par son metteur en scène.
Au-delà de cette diégèse, on retrouve celle du film lui-même. En effet, Bromberg en a acheté les droits d’adaptation auprès de la société d’assurance qui couvrait le tournage du métrage initial. Bérénice Bejo et Jacques Gamblin reprennent les rôles de Schneider et Reggiani afin de recomposer le film qu’avait voulu produire Clouzot. Mais ces scènes ne complètent que les images originales de L’enfer. En effet, et c’est ce qui concède au film de 2009 son caractère exceptionnel, sa majorité est composé d’images originales du tournages. Des essais fascinants de la part comédiens originaux, des séquences oniriques ambitieuses (mêlant couleurs et noir et blanc), des plans hypnotiques et torrides de Romy Schneider… Ces images époustouflantes, ultra-créatives sont désormais, à jamais dévoilées. En voilà les toutes premières images, à défaut de bande-annonce :
L’Enfer – essais
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